La corrélation peu singulière entre la liberté et le bonheur est tout à fait remarquable. Sa conception en effet est à la portée de tous, pourvu que l'on ait assez réfléchi sur le sujet. Pourtant, lorsqu'il s'agit de l'expliciter aussi clairement que rigoureusement, cela a le don de se complexifier rapidement. Cela est si complexe, que c'en est même le sujet de philosophie de ce succulent débat.
Les esprits téméraires, mais simples, se précipiteront volontiers à y répondre, peut-être par simple esprit de contradiction, par la négative. Les plus motivés de ceux-là accompagneront même leur argumentation d'exemples - bien que témoignant de leur superbe culture - tous hors-sujets.
Nous tâcherons, quant à nous, d'apporter une démonstration des plus canoniques, qui aura le don d'achever un débat que nous aurons commencé.
Pour commencer, il est nécessaire de savoir précisément ce que l'on aura à charge d'étudier. Le lecteur averti aura remarqué que la phrase en question est ce que l'on appelle en logique une implication. En effet, l'on se demande si la liberté implique le bonheur. En d'autres termes, il nous faudra déterminer si la liberté est une condition suffisante (et non nécessaire) au bonheur.
Nous pouvons dès lors reformuler la question ainsi : la liberté implique-t-elle le bonheur ?
Une fois certain de ce qu’il doit chercher, deux choix s'offrent généralement au penseur : la démonstration ou la réfutation. Ici, nous choisissons de suivre notre instinct premier (cf. introduction) et de démontrer l’implication.
Pour se faire, nous supposerons dans un premier temps que nous avons la liberté. Par de simples raisonnements logiques successifs, nous montrerons ensuite que nous avons de fait nécessairement le bonheur.
Supposons alors que nous sommes libres. Id est, nous sommes libres d'exercer notre volonté. Alors nous sommes tout aussi libres d'exercer notre volonté en vue d'acquérir notre bonheur. De fait, nous avons le bonheur.
C'est par ce même raisonnement que Descartes écrivit à Christine de Suède en 1647 : "C'est du bon usage du libre arbitre, que vient le plus grand et le plus solide contentement de la vie." .
La contraposée logique de cette implication est tout aussi intéressante : si nous n’avons pas le bonheur, alors cela signifie que nous ne sommes pas libres.
Ce qu'il serait plus ardu en revanche, c'est de démontrer l'implication inverse, à savoir : le bonheur implique-t-il la liberté ? Mais ceci est un tout autre débat.
Gabriello Silvetto Moreno, professeur de sciences et de mathématiques.